Si vous n'aimez pas la minéralité, passez votre chemin ! Lanzarote est une île volcanique au climat désertique et aride. Il pleut seulement entre 10 et 15 jours par an, avec 110 mm de pluie en moyenne. Autant vous dire que la végétation est rare et que seules certaines plantes sont adaptées à ce climat : cactus, palmiers, plantes grasses et épineuses... comme dans le magnifique Jardin de Cactus créé par l'artiste César Manrique dans une ancienne carrière au sud-est de l'île.

A Lanzarote, on a l'impression d'être sur une autre planète : c'est une sensation qui surgit lorsque l'avion amorce sa descente vers l'aéroport d'Arrecife, la capitale de l'île. Du ciel, trois couleurs dominent : le bleu de l'océan Atlantique, le jaune ocre des terres de l'île et le blanc des maisons typiques de Lanzarote.

A certaines périodes de l'année, les autorités de l'île envoient des alertes jaunes, orange, voire rouges. Elles ne sont pas liées au risque d'orages comme chez nous, mais aux températures potentiellement caniculaires. En alerte rouge, personne ne sort, la force des UV étant trop dangereuse. Lanzarote est une des sept îles qui constituent l'archipel des Canaries, celle située la plus à l'est, à 70 kilomètres seulement au large des côtes du Maroc. Des vents venus du Sahara viennent parfois fortement réchauffer l'atmosphère. Et comme on est proche de l'équateur, les rayons du soleil peut donc être particulièrement violents.

Alors que l'agriculture se déployait autrefois sur la totalité de Lanzarote, un bon tiers de l'île est aujourd'hui impropre aux cultures. Le 1er septembre 1730, une  première éruption volcanique se produisit dans le sud-ouest de l'île. Elle fut suivie d'éruptions continues jusqu'en 1736.

Un des sites touristiques de Lanzarote est le superbe parc national de Timanfaya, cœur de la zone volcanique. Il ne se visite qu'en bus : c'est un écosystème très fragile, les véhicules y sont donc interdits, la randonnée n'est pas autorisée non plus. On laisse donc sa voiture sur le parking à l'entrée du site, on monte dans un car qui nous emmène faire une boucle dans le parc afin de voir les cônes des volcans aujourd'hui éteints. Enfin... l'activité volcanique est encore aujourd'hui très surveillée...

Une partie de l'île est aujourd'hui recouverte de lave solidifiée et de cendres volcaniques. Lors des éruptions successives des années 1730, le vent a éparpillé ce sable volcanique, le lapilli, appelé picón aux Canaries et rofe ou arena à Lanzarote, et sur lequel poussent aujourd'hui les vignes de Lanzarote.

Le vignoble occupe aujourd'hui 2 000 hectares. Il s'est développé au 18e siècle, principalement dans le centre de l'île, dans les vallées de La Geria (terme qui désigne aussi le système de plantation, expliqué plus bas) et de Masdache. Ces zones de l'île ont été recouvertes de cendres volcaniques lors des éruptions du 18e siècle : le picón recouvre la terre fertile d'une couche plus ou moins épaisse et permet en fait la culture de la vigne. Le picón, roche poreuse, capte l'humidité dont sont chargés les alizés (des vents nord-ouest, rafraîchissants, issus de l'anticyclone des Açores). La vigne se nourrit du peu d'eau qui se concentre sous forme de condensation dans le picón.

Les vignes sont plantées dans des trous appelés hoyos. Ce système de plantation permet aux racines de la vigne d'avoir accès à la terre fertile. Ces trous peuvent atteindre 3 mètres de profondeur et 10 mètres de diamètre, en fonction de la l'épaisseur du picón : plus la couche fertile est profonde, plus les trous sont profonds et larges.

Située au milieu de l'Océan Atlantique, Lanzarote est une île extrêmement venteuse : des murets de pierres sèches, les socos, sont donc construits autour des trous, sur la moitié de la circonférence, pour bloquer les alizés et permettre aux vignes, qui ne sont pas palissées, de pousser. Dans ces endroits, le travail est quasi exclusivement manuel. Les vendanges - dès la mi-juillet certaines années, ce sont les premières vendanges d'Europe - se font à la main et en caissettes. Dans les secteurs où la couche de picón est moins épaisse, notamment dans la région de Masdache, les trous sont moins profonds et les plantations se font en tranchées. Les murs sont rectilignes, ce qui permet la mécanisation du travail. Les rendements sont un peu plus élevés : jusqu'à 20 hl/ha... vraiment peu, me direz-vous ! Mais la densité de plantation moyenne est de 400 et 600 pieds par hectare et les rendements oscillent entre 1 000 et 1 500 kg/ha (soit entre 6 et 10 hl/ha, ce qui équivaut à une bouteille de 0,75 litre par cep).

Dix-huit bodegas assurent la production vinicole, mais elles achètent souvent la récolte à de petits propriétaires qui cultivent les raisins sur des parcelles de vignes familiales.

On trouve des vignes bicentenaires et franc de pied sur l'île, qui a été épargnée par le phylloxéra au 19e siècle. Le greffage n'y est donc pas nécessaire et on cultive ici des cépages qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Par exemple, le Listán Negro, qu'on retrouve sur d'autres îles de Canaries et qui permet d'élaborer des vins rouges aux arômes de fruits rouges et de figue sèche.

Le cépage le plus planté est la Malvasía Volcánica, un cépage autochtone à Lanzarote, dont on pense qu'il est soit issu d'un croisement entre une variété de Malvoisie et le Marmajuelo (un autre cépage autochtone des Canaries) ou originaire de Madère. La Malvasía Volcánica est résistante à la sécheresse, aux fortes températures et au vent. Elle donne de faibles rendements, des raisins à l'acidité élevée, aux arômes floraux, de fruits à noyau (abricot) et aux notes muscatées. Elle permet d'élaborer tous les styles de vin blanc : mousseux, sec, demi-sec et liquoreux, avec des vendanges très tardives comparées aux premiers raisins récoltés.

J'ai eu l'occasion de visiter deux bodegas de La Geria.

La Bodega El Grifo, fondée en 1775, est le plus ancien domaine viticole des Canaries. Cette bodega offre différentes possibilités de visites, j'ai opté pour la plus complète, qui permet de visiter le vignoble, l'ancienne maison d'habitation de style colonial, puis les anciennes caves du domaine, où sont exposés des outils, des cuves, des photographies... qui montrent le travail dans le vignoble autrefois. On utilisait d'ailleurs des chameaux pour travailler dans les vignes et les champs, et pour transporter la récolte. La visite se conclut par une dégustation de divers vins du domaine, accompagnés de fromages locaux. On goûte à cette occasion les cuvées les plus prestigieuses de la bodega, parmi lesquelles un vin doux naturel fait d'un assemblage de raisins récoltés en 1956, 1970 et 1997.

A la bodega Rubicón, la visite est libre. On découvre les chais de vieillissement dont les murs sont alignés de barriques de diverses origines. Ce qui m'a plu dans cette bodega, c'est le restaurant qui permet de déguster les vins du domaine tout en mangeant des spécialités locales, avec vue imprenable sur les anciens volcans et le vignoble. Au fait, que mange-t-on à Lanzarote ? Des papas arrugadas, pommes de terre "fripées", qu'on trempe dans des mojos, sauces locales à base de poivron vert ou rouge et de piment, qui sont systématiquement servies avec du pain lors d'un début de repas au restaurant. Fromage de brebis frit, poissons de toutes espèces, ragoûts de viande et liqueur de cactus font aussi partie des spécialités à tester sur l'île. Sans oublier la mousse de gofio, un dessert à base d'un mélange de céréales cultivées sur l'île.

C'est l'artiste et l'enfant de l'île, celui qui a contribué à la faire connaître tout en cherchant à la préserver du tourisme de masse.

Né et mort sur l'île (d'un tragique accident de la route), César Manrique a laissé plusieurs sites qui se visitent et qui mettent en valeur le passé volcanique de l'île.

Sa maison est une véritable œuvre d'art, construite sur deux niveaux, au pied d'une coulée de lave, qui pénètre même certaines pièces de la maison. Le rez-de-chaussée est installé dans des bulles de lave, avec différents salons et chambres dont les plafonds sont à ciel ouvert.

Dans le Jardin de Cactus, mentionné ci-dessus, Manrique a cherché à rassembler autant de variétés de cactus que possible, les a fait venir de différents pays du monde et les a mis en scène dan une ancienne carrière. Les cactus sont magnifiques, ont des formes et des fleurs insoupçonnées : un beau patrimoine végétal, surprenant.

Jameos del Agua, en bord de mer au nord-est de l'île, est un site imaginé dans un tunnel de roche formé par la lave d'un volcan situé à environ 3 kilomètres de la côte. Le lieu abrite un restaurant, un bassin d'eau de mer abritant de petits crabes albinos, uniques et endémiques de l'île. Le clou du spectacle reste l'auditorium installé dans une bulle de lave, dont l'acoustique est parfaite grâce à l'irrégularité et à la porosité de la roche volcanique.

Enfin, le Mirador del Rio, au nord de l'île, permet d'avoir un point de vue imprenable sur l'océan et sur l'île de La Graciosa.

Entouré par l'Océan Atlantique, Lanzarote est le paradis des baigneurs, et des surfeurs ! Attention, certaines plages sont dangereuses, les vagues et les courants pouvant être très forts.

Gros coup de cœur pour la plage de Famara, située au nord-ouest de l'île. Plusieurs kilomètres de sable, en contrebas d'une magnifique falaise qui héberge un observatoire astronomique. Une plage où on rencontre beaucoup de surfers et où on m'avait déconseillé de me baigner, mais honnêtement, les vagues n'étaient pas plus fortes que celles de la côté atlantique en France. Et la température de l'eau était idéale pour se rafraîchir !